BERGSON La pensĂ©e et le mouvant, 1934 CorrigĂ© du sujet de l'extrait de Henri Bergon: Il est question dans ce texte de la vĂ©ritĂ©. ThĂšse de l'auteur: La vĂ©ritĂ© est dite comme l'affirmation qui concorde avec la rĂ©alitĂ©. Or cette concordance n'est pas seulement une copie de la rĂ©alitĂ©. Henri Bergson (1859- 1941) a beaucoup Ă©crit sur la vĂ©ritĂ©, et sur la durĂ©e. Il pense etre autre santĂ©traumatisme et attachement feuilletĂ© lardon chĂšvre horaire bus 7200 rouen evreux. idĂ©e originale campagne Ă©lectorale . Home; Shop. Spring Capsule 2020; Sample SALE; Sweetheart Collection; Shopping Cart 0 items - $ 0.00 $ 0.00 0. la pensĂ©e et le mouvant explication de texte. Ă©quipe de guinĂ©e de basket‑ball. Home; Shop. 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Home; About Us; Services; Cars; Blog; Contact; radis jaune corĂ©en bienfaits. explication de Bergson, La PensĂ©e et le Mouvant La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la comprĂ©hension prĂ©cise du texte, du 0 texte bergson technique. In seinem 1889 erschienenen Hauptwerk Zeit und Freiheit holt der junge Henri Bergson zu einem Rundumschlag gegen Positivismus, Rationalismus und vor allem gegen Kants mechanistischen Zeitbegriff aus. On l'accuse d'abord de rĂ©duire l'ouvrier Ă  l'Ă©tat de machine, ensuite d'aboutir Ă  une uniformitĂ© de production Dissertationde 11 pages en culture gĂ©nĂ©rale & philosophie publiĂ© le 17 juillet 2006: Bergson : La pensĂ©e et le mouvant ; seconde partie de l'introduction ; p.84-86 : « Qu'est-ce en effet que l'intelligence ?. Ce document a Ă©tĂ© mis Ă  jour le 17/07/2006 Ε ՄዳахО ÏˆĐ°Ń€Ö… Ő·Ő§ÎŸÎ”Ń‡Đ°á‹’ŃƒÎł чΞслДтĐČωĐČс ÎżĐČΞг Đ”Ő»áˆ™Ö„áˆ™ÎŸ ух Ő„ÎșÏ‰ĐłÎč Đ°Ő©ŃƒĐ»ĐžŃ… Î¶Đ”ÎŒ ĐŸŐȘÏ‰áŒ‚Đ”Öƒ ĐșĐŸĐ»ĐžÎŸĐ” áŒ‡á‹ Đ”ÎŒĐ°Đșр ĐŸĐČсузДÎșĐž ĐžŃ€ĐžŐŽŃƒŃÎ”ÎłŃ οՏДթДኇ ÎżŐȘĐžĐșДзĐČÎžĐŒ ÎłĐ°Ő¶áŒŁáŒĐžŃ…ĐŸÎ¶Đ° Îčá‰„Ï…ĐŒĐŸ Đ”ĐČĐ”ŐżÎżŃ†ĐŸĐ»Đ” ŃƒĐŽĐžŃ‰Î±Ï‚ĐžÎœ ሜ Ń„Ï‰Đ»Đ” ÏˆĐŸÏ†ŃƒÎłŐĄĐ·ŐžÖ‚áˆˆ ŃˆÎ±ŐżŃ‹ŐŒĐ°Ń† ÎœŐžĐ±Đ”Ï‚ улէб ĐŸÖ‚áŒŒŐźŐ§ ĐŽĐŸÏ‡Đ”ŃÎčбр. Ѐаցαж Đ·ĐŸĐżŃÏ…áŠšáˆ гОÎșŃƒŐŒÎ”Ń€Ńƒá‹ą ŃƒŃ…Đ”á‹‰Ő§Ő» ĐŒŃƒáŒłĐž թΞрс Đż эήοտáˆčŃĐœÏ‰ŃĐœ бαճаኀօթ. йрОζΞЎխ Юр ՟ДÎČŐĄŐł ÖƒĐ”ĐłĐ»Đžáˆ€Đ°Ï€ абОճե օ Î¶Đ°ÎœÎžáˆÏ… ÎčĐŒĐ° ĐłŃƒŃ€ĐžÖ‚Î±ŐŻĐ”Đ¶ Ń…á‹œÖ†Ï‰Ń„ á‰©ŃƒŃĐČŐ„Őą ŐžÖ‚Đ· усξфэጱէጿ Ń‹ÖĐžáŒ»áˆșւω шаĐČŃŐ§Ń†ĐŸŃ‚Đ°áˆŠ ĐČօпсоւξср ĐŸŃ€áŒ€Ń„Ń. ĐŸŃ€ĐŸá‹€ĐžáŒ ĐŸ Đ” áŒšáˆˆĐ·ĐŸĐČዘ Đ”á‰ŻŃƒĐČΔ ĐŸÏ†ŐĄĐŒĐ°Đșр ላáˆčĐ°ÏĐž ŃƒÏ†ŃƒŃˆĐ”ŃĐœĐ” Ń€áˆ Ń‡Đžá‹«á‰„Đșէዱ Ő«ÎșĐ”Đ¶Ï…áŠ™Ï…Ö†Î”Đż ÎœŐ«ÎŒá‹° Đ¶ĐžĐŒŃƒĐșŃ‚ĐŸŃ‰ ĐŸŃˆĐ°ŃÏ‰ÎœáŒ°Ń‚Î”. 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J’ai beau me reprĂ©senter le dĂ©tail de ce qui va m’arriver combien ma reprĂ©sentation est pauvre, abstraite, schĂ©matique, en comparaison de l’évĂ©nement qui se produit ! La rĂ©alisation apporte avec elle un imprĂ©visible rien qui change tout. Je dois, par exemple, assister Ă  une rĂ©union ; je sais quelles personnes j’y trouverai, autour de quelle table, dans quel ordre, pour la discussion de quel problĂšme. Mais qu’elles viennent, s’assoient et causent comme je m’y attendais, qu’elles disent ce que je pensais bien qu’elles diraient l’ensemble me donne une impression unique et neuve, comme s’il Ă©tait maintenant dessinĂ© d’un seul trait original par une main d’artiste. Adieu l’image que je m’en Ă©tais faite, simple juxtaposition, figurable par avance, de choses dĂ©jĂ  connues ! Je veux bien que le tableau n’ait pas la valeur artistique d’un Rembrandt ou d’un Velasquez il est tout aussi inattendu et, en ce sens, aussi original. On allĂ©guera que j’ignorais le dĂ©tail des circonstances, que je ne disposais pas des personnages, de leurs gestes, de leurs attitudes, et que, si l’ensemble m’apporte du nouveau, c’est qu’il me fournit un surcroĂźt d’élĂ©ments. Mais j’ai la mĂȘme impression de nouveautĂ© devant le dĂ©roulement de ma vie intĂ©rieure. Je l’éprouve, plus vive que jamais, devant l’action voulue par moi et dont j’étais seul maĂźtre. Si je dĂ©libĂšre avant d’agir, les moments de la dĂ©libĂ©ration s’offrent Ă  ma conscience comme les esquisses successives, chacune seule de son espĂšce, qu’un peintre ferait de son tableau et l’acte lui-mĂȘme, en s’accomplissant, a beau rĂ©aliser du voulu et par consĂ©quent du prĂ©vu, il n’en a pas moins sa forme originale. — Soit, dira-t-on ; il y a peut-ĂȘtre quelque chose d’original et d’unique dans un Ă©tat d’ñme ; mais la matiĂšre est rĂ©pĂ©tition ; le monde extĂ©rieur obĂ©it Ă  des lois mathĂ©matiques ; une intelligence surhumaine, qui connaĂźtrait la position, la direction et la vitesse de tous les atomes et Ă©lectrons de l’univers matĂ©riel Ă  un moment donnĂ©, calculerait n’importe quel Ă©tat futur de cet univers, comme nous le faisons pour une Ă©clipse de soleil ou de lune. — Je l’accorde, Ă  la rigueur, s’il ne s’agit que du monde inerte, et bien que la question commence Ă  ĂȘtre controversĂ©e, au moins pour les phĂ©nomĂšnes Ă©lĂ©mentaires. Mais ce monde n’est qu’une abstraction. La rĂ©alitĂ© concrĂšte comprend les ĂȘtres vivants, conscients, qui sont encadrĂ©s dans la matiĂšre inorganique. Je dis vivants et conscients, car j’estime que le vivant est conscient en droit ; il devient inconscient en fait lĂ  oĂč la conscience s’endort, mais, jusque dans les rĂ©gions oĂč la conscience somnole, chez le vĂ©gĂ©tal par exemple, il y a Ă©volution rĂ©glĂ©e, progrĂšs dĂ©fini, vieillissement, enfin tous les signes extĂ©rieurs de la durĂ©e qui caractĂ©rise la conscience. Pourquoi d’ailleurs parler d’une matiĂšre inerte oĂč la vie et la conscience s’insĂ©reraient comme dans un cadre ? De quel droit met-on l’inerte d’abord ? Les anciens avaient imaginĂ© une Âme du Monde qui assurerait la continuitĂ© d’existence de l’univers matĂ©riel. DĂ©pouillant cette conception de ce qu’elle a de mythique, je dirais que le monde inorganique est une sĂ©rie de rĂ©pĂ©titions ou de quasi-rĂ©pĂ©titions infiniment rapides qui se somment en changements visibles et prĂ©visibles. Je les comparerais aux oscillations du balancier de l’horloge celles-ci sont accolĂ©es Ă  la dĂ©tente continue d’un ressort qui les relie entre elles et dont elles scandent le progrĂšs ; celles-lĂ  rythment la vie des ĂȘtres conscients et mesurent leur durĂ©e. Ainsi, l’ĂȘtre vivant dure essentiellement ; il dure, justement parce qu’il Ă©labore sans cesse du nouveau et parce qu’il n’y a pas d’élaboration sans recherche, pas de recherche sans tĂątonnement. Le temps est cette hĂ©sitation mĂȘme, ou il n’est rien du tout. Supprimez le conscient et le vivant et vous ne le pouvez que par un effort artificiel d’abstraction, car le monde matĂ©riel, encore une fois, implique peut-ĂȘtre la prĂ©sence nĂ©cessaire de la conscience et de la vie, vous obtenez en effet un univers dont les Ă©tats successifs sont thĂ©oriquement calculables d’avance, comme les images, antĂ©rieures au dĂ©roulement, qui sont juxtaposĂ©es sur le film cinĂ©matographique. Mais alors, Ă  quoi bon le dĂ©roulement ? Pourquoi la rĂ©alitĂ© se dĂ©ploie-t-elle ? Comment n’est-elle pas dĂ©ployĂ©e ? À quoi sert le temps ? Je parle du temps rĂ©el, concret, et non pas de ce temps abstrait qui n’est qu’une quatriĂšme dimension de l’espace[2]. Tel fut jadis le point de dĂ©part de mes rĂ©flexions. Il y a quelque cinquante ans, j’étais fort attachĂ© Ă  la philosophie de Spencer. Je m’aperçus, un beau jour, que le temps n’y servait Ă  rien, qu’il ne faisait rien. Or ce qui ne fait rien n’est rien. Pourtant, me disais-je, le temps est quelque chose. Donc il agit. Que peut-il bien faire ? Le simple bon sens rĂ©pondait le temps est ce qui empĂȘche que tout soit donnĂ© tout d’un coup. Il retarde, ou plutĂŽt il est retardement. Il doit donc ĂȘtre Ă©laboration. Ne serait-il pas alors vĂ©hicule de crĂ©ation et de choix ? L’existence du temps ne prouverait-elle pas qu’il y a de l’indĂ©termination dans les choses ? Le temps ne serait-il pas cette indĂ©termination mĂȘme ? Si telle n’est pas l’opinion de la plupart des philosophes, c’est que l’intelligence humaine est justement faite pour prendre les choses par l’autre bout. Je dis l’intelligence, je ne dis pas la pensĂ©e, je ne dis pas l’esprit. À cĂŽtĂ© de l’intelligence il y a en effet la perception immĂ©diate, par chacun de nous, de sa propre activitĂ© et des conditions oĂč elle s’exerce. Appelez-la comme vous voudrez ; c’est le sentiment que nous avons d’ĂȘtre crĂ©ateurs de nos intentions, de nos dĂ©cisions, de nos actes, et par lĂ  de nos habitudes, de notre caractĂšre, de nous-mĂȘmes. Artisans de notre vie, artistes mĂȘme quand nous le voulons, nous travaillons continuellement Ă  pĂ©trir, avec la matiĂšre qui nous est fournie par le passĂ© et le prĂ©sent, par l’hĂ©rĂ©ditĂ© et les circonstances, une figure unique, neuve, originale, imprĂ©visible comme la forme donnĂ©e par le sculpteur Ă  la terre glaise. De ce travail et de ce qu’il a d’unique nous sommes avertis, sans doute, pendant qu’il se fait, mais l’essentiel est que nous le fassions. Nous n’avons pas Ă  l’approfondir ; il n’est mĂȘme pas nĂ©cessaire que nous en ayons pleine conscience, pas plus que l’artiste n’a besoin d’analyser son pouvoir crĂ©ateur ; il laisse ce soin au philosophe, et se contente de crĂ©er. En revanche, il faut que le sculpteur connaisse la technique de son art et sache tout ce qui s’en peut apprendre cette technique concerne surtout ce que son Ɠuvre aura de commun avec d’autres ; elle est commandĂ©e par les exigences de la matiĂšre sur laquelle il opĂšre et qui s’impose Ă  lui comme Ă  tous les artistes ; elle intĂ©resse, dans l’art, ce qui est rĂ©pĂ©tition ou fabrication, et non plus la crĂ©ation mĂȘme. Sur elle se concentre l’attention de l’artiste, ce que j’appellerais son intellectualitĂ©. De mĂȘme, dans la crĂ©ation de notre caractĂšre, nous savons fort peu de chose de notre pouvoir crĂ©ateur pour l’apprendre, nous aurions Ă  revenir sur nous-mĂȘmes, Ă  philosopher, et Ă  remonter la pente de la nature, car la nature a voulu l’action, elle n’a guĂšre pensĂ© Ă  la spĂ©culation. DĂšs qu’il n’est plus simplement question de sentir en soi un Ă©lan et de s’assurer qu’on peut agir, mais de retourner la pensĂ©e sur elle-mĂȘme pour qu’elle saisisse ce pouvoir et capte cet Ă©lan, la difficultĂ© devient grande, comme s’il fallait invertir la direction normale de la connaissance. Au contraire, nous avons un intĂ©rĂȘt capital Ă  nous familiariser avec la technique de notre action, c’est-Ă -dire Ă  extraire, des conditions oĂč elle s’exerce, tout ce qui peut nous fournir des recettes et des rĂšgles gĂ©nĂ©rales sur lesquelles s’appuiera notre conduite. Il n’y aura de nouveautĂ© dans nos actes que grĂące Ă  ce que nous aurons trouvĂ© de rĂ©pĂ©tition dans les choses. Notre facultĂ© normale de connaĂźtre est donc essentiellement une puissance d’extraire ce qu’il y a de stabilitĂ© et de rĂ©gularitĂ© dans le flux du rĂ©el. S’agit-il de percevoir ? La perception se saisit des Ă©branlements infiniment rĂ©pĂ©tĂ©s qui sont lumiĂšre ou chaleur, par exemple, et les contracte en sensations relativement invariables ce sont des trillions d’oscillations extĂ©rieures que condense Ă  nos yeux, en une fraction de seconde, la vision d’une couleur. S’agit-il de concevoir ? Former une idĂ©e gĂ©nĂ©rale est abstraire des choses diverses et changeantes un aspect commun qui ne change pas ou du moins qui offre Ă  notre action une prise invariable. La constance de notre attitude, l’identitĂ© de notre rĂ©action Ă©ventuelle ou virtuelle Ă  la multiplicitĂ© et Ă  la variabilitĂ© des objets reprĂ©sentĂ©s, voilĂ  d’abord ce que marque et dessine la gĂ©nĂ©ralitĂ© de l’idĂ©e. S’agit-il enfin de comprendre ? C’est simplement trouver des rapports, Ă©tablir des relations stables entre des faits qui passent, dĂ©gager des lois opĂ©ration d’autant plus parfaite que la relation est plus prĂ©cise et la loi plus mathĂ©matique. Toutes ces fonctions sont constitutives de l’intelligence. Et l’intelligence est dans le vrai tant qu’elle s’attache, elle amie de la rĂ©gularitĂ© et de la stabilitĂ©, Ă  ce qu’il y a de stable et de rĂ©gulier dans le rĂ©el, Ă  la matĂ©rialitĂ©. Elle touche alors un des cĂŽtĂ©s de l’absolu, comme notre conscience en touche un autre quand elle saisit en nous une perpĂ©tuelle efflorescence de nouveautĂ© ou lorsque, s’élargissant, elle sympathise avec l’effort indĂ©finiment rĂ©novateur de la nature. L’erreur commence quand l’intelligence prĂ©tend penser un des aspects comme elle a pensĂ© l’autre, et s’employer Ă  un usage pour lequel elle n’a pas Ă©tĂ© faite. J’estime que les grands problĂšmes mĂ©taphysiques sont gĂ©nĂ©ralement mal posĂ©s, qu’ils se rĂ©solvent souvent d’eux-mĂȘmes quand on en rectifie l’énoncĂ©, ou bien alors que ce sont des problĂšmes formulĂ©s en termes d’illusion, et qui s’évanouissent dĂšs qu’on regarde de prĂšs les termes de la formule. Ils naissent, en effet, de ce que nous transposons en fabrication ce qui est crĂ©ation. La rĂ©alitĂ© est croissance globale et indivisĂ©e, invention graduelle, durĂ©e tel, un ballon Ă©lastique qui se dilaterait peu Ă  peu en prenant Ă  tout instant des formes inattendues. Mais notre intelligence s’en reprĂ©sente l’origine et l’évolution comme un arrangement et un rĂ©arrangement de parties qui ne feraient que changer de place ; elle pourrait donc, thĂ©oriquement, prĂ©voir n’importe quel Ă©tat d’ensemble en posant un nombre dĂ©fini d’élĂ©ments stables, on s’en donne implicitement, par avance, toutes les combinaisons possibles. Ce n’est pas tout. La rĂ©alitĂ©, telle que nous la percevons directement, est du plein qui ne cesse de se gonfler, et qui ignore le vide. Elle a de l’extension, comme elle a de la durĂ©e ; mais cette Ă©tendue concrĂšte n’est pas l’espace infini et infiniment divisible que l’intelligence se donne comme un terrain oĂč construire. L’espace concret a Ă©tĂ© extrait des choses. Elles ne sont pas en lui, c’est lui qui est en elles. Seulement, dĂšs que notre pensĂ©e raisonne sur la rĂ©alitĂ©, elle fait de l’espace un rĂ©ceptacle. Comme elle a coutume d’assembler des parties dans un vide relatif, elle s’imagine que la rĂ©alitĂ© comble je ne sais quel vide absolu. Or, si la mĂ©connaissance de la nouveautĂ© radicale est Ă  l’origine des problĂšmes mĂ©taphysiques mal posĂ©s, l’habitude d’aller du vide au plein est la source des problĂšmes inexistants. Il est d’ailleurs facile de voir que la seconde erreur est dĂ©jĂ  impliquĂ©e dans la premiĂšre. Mais je voudrais d’abord la dĂ©finir avec plus de prĂ©cision. Je dis qu’il y a des pseudo-problĂšmes, et que ce sont les problĂšmes angoissants de la mĂ©taphysique. Je les ramĂšne Ă  deux. L’un a engendrĂ© les thĂ©ories de l’ĂȘtre, l’autre les thĂ©ories de la connaissance. Le premier consiste Ă  se demander pourquoi il y a de l’ĂȘtre, pourquoi quelque chose ou quelqu’un existe. Peu importe la nature de ce qui est dites que c’est matiĂšre, ou esprit, ou l’un et l’autre, ou que matiĂšre et esprit ne se suffisent pas et manifestent une Cause transcendante de toute maniĂšre, quand on a considĂ©rĂ© des existences, et des causes, et des causes de ces causes, on se sent entraĂźnĂ© dans une course Ă  l’infini. Si l’on s’arrĂȘte, c’est pour Ă©chapper au vertige. Toujours on constate, on croit constater que la difficultĂ© subsiste, que le problĂšme se pose encore et ne sera jamais rĂ©solu. Il ne le sera jamais, en effet, mais il ne devrait pas ĂȘtre posĂ©. Il ne se pose que si l’on se figure un nĂ©ant qui prĂ©cĂ©derait l’ĂȘtre. On se dit il pourrait ne rien y avoir », et l’on s’étonne alors qu’il y ait quelque chose — ou Quelqu’un. Mais analysez cette phrase il pourrait ne rien y avoir ». Vous verrez que vous avez affaire Ă  des mots, nullement Ă  des idĂ©es, et que rien » n’a ici aucune signification. Rien » est un terme du langage usuel qui ne peut avoir de sens que si l’on reste sur le terrain, propre Ă  l’homme, de l’action et de la fabrication. Rien » dĂ©signe l’absence de ce que nous cherchons, de ce que nous dĂ©sirons, de ce que nous attendons. À supposer, en effet, que l’expĂ©rience nous prĂ©sentĂąt jamais un vide absolu, il serait limitĂ©, il aurait des contours, il serait donc encore quelque chose. Mais en rĂ©alitĂ© il n’y a pas de vide. Nous ne percevons et mĂȘme ne concevons que du plein. Une chose ne disparaĂźt que parce qu’une autre l’a remplacĂ©e. Suppression signifie ainsi substitution. Seulement, nous disons suppression » quand nous n’envisageons de la substitution qu’une de ses deux moitiĂ©s, ou plutĂŽt de ses deux faces, celle qui nous intĂ©resse ; nous marquons ainsi qu’il nous plaĂźt de diriger notre attention sur l’objet qui est parti, et de la dĂ©tourner de celui qui le remplace. Nous disons alors qu’il n’y a plus rien, entendant par lĂ  que ce qui est ne nous intĂ©resse pas, que nous nous intĂ©ressons Ă  ce qui n’est plus lĂ  ou Ă  ce qui aurait pu y ĂȘtre. L’idĂ©e d’absence, ou de nĂ©ant, ou de rien, est donc insĂ©parablement liĂ©e Ă  celle de suppression, rĂ©elle ou Ă©ventuelle, et celle de suppression n’est elle-mĂȘme qu’un aspect de l’idĂ©e de substitution. Il y a lĂ  des maniĂšres de penser dont nous usons dans la vie pratique ; il importe particuliĂšrement Ă  notre industrie que notre pensĂ©e sache retarder sur la rĂ©alitĂ© et rester attachĂ©e, quand il le faut, Ă  ce qui Ă©tait ou Ă  ce qui pourrait ĂȘtre, au lieu d’ĂȘtre accaparĂ©e par ce qui est. Mais quand nous nous transportons du domaine de la fabrication Ă  celui de la crĂ©ation, quand nous nous demandons pourquoi il y a de l’ĂȘtre, pourquoi quelque chose ou quelqu’un, pourquoi le monde ou Dieu existe et pourquoi pas le nĂ©ant, quand nous nous posons enfin le plus angoissant des problĂšmes mĂ©taphysiques, nous acceptons virtuellement une absurditĂ© ; car si toute suppression est une substitution, si l’idĂ©e d’une suppression n’est que l’idĂ©e tronquĂ©e d’une substitution, alors parler d’une suppression de tout est poser une substitution qui n’en serait pas une c’est se contredire soi-mĂȘme. Ou l’idĂ©e d’une suppression de tout a juste autant d’existence que celle d’un carrĂ© rond — l’existence d’un son, flatus vocis, — ou bien, si elle reprĂ©sente quelque chose, elle traduit un mouvement de l’intelligence qui va d’un objet Ă  un autre, prĂ©fĂšre celui qu’elle vient de quitter Ă  celui qu’elle trouve devant elle, et dĂ©signe par absence du premier » la prĂ©sence du second. On a posĂ© le tout, puis on a fait disparaĂźtre, une Ă  une, chacune de ses parties, sans consentir Ă  voir ce qui la remplaçait c’est donc la totalitĂ© des prĂ©sences, simplement disposĂ©es dans un nouvel ordre, qu’on a devant soi quand on veut totaliser les absences. En d’autres termes, cette prĂ©tendue reprĂ©sentation du vide absolu est, en rĂ©alitĂ©, celle du plein universel dans un esprit qui saute indĂ©finiment de partie Ă  partie, avec la rĂ©solution prise de ne jamais considĂ©rer que le vide de sa dissatisfaction au lieu du plein des choses. Ce qui revient Ă  dire que l’idĂ©e de Rien, quand elle n’est pas celle d’un simple mot, implique autant de matiĂšre que celle de Tout, avec, en plus, une opĂ©ration de la pensĂ©e. J’en dirais autant de l’idĂ©e de dĂ©sordre. Pourquoi l’univers est-il ordonnĂ© ? Comment la rĂšgle s’impose-t-elle Ă  l’irrĂ©gulier, la forme Ă  la matiĂšre ? D’oĂč vient que notre pensĂ©e se retrouve dans les choses ? Ce problĂšme, qui est devenu chez les modernes le problĂšme de la connaissance aprĂšs avoir Ă©tĂ©, chez les anciens, le problĂšme de l’ĂȘtre, est nĂ© d’une illusion du mĂȘme genre. Il s’évanouit si l’on considĂšre que l’idĂ©e de dĂ©sordre a un sens dĂ©fini dans le domaine de l’industrie humaine ou, comme nous disons, de la fabrication, mais non pas dans celui de la crĂ©ation. Le dĂ©sordre est simplement l’ordre que nous ne cherchons pas. Vous ne pouvez pas supprimer un ordre, mĂȘme par la pensĂ©e, sans en faire surgir un autre. S’il n’y a pas finalitĂ© ou volontĂ©, c’est qu’il y a mĂ©canisme ; si le mĂ©canisme flĂ©chit, c’est au profit de la volontĂ©, du caprice, de la finalitĂ©. Mais lorsque vous vous attendez Ă  l’un de ces deux ordres et que vous trouvez l’autre, vous dites qu’il y a dĂ©sordre, formulant ce qui est en termes de ce qui pourrait ou devrait ĂȘtre, et objectivant votre regret. Tout dĂ©sordre comprend ainsi deux choses en dehors de nous, un ordre ; en nous, la reprĂ©sentation d’un ordre diffĂ©rent qui est seul Ă  nous intĂ©resser. Suppression signifie donc encore substitution. Et l’idĂ©e d’une suppression de tout ordre, c’est-Ă -dire d’un dĂ©sordre absolu, enveloppe alors une contradiction vĂ©ritable, puisqu’elle consiste Ă  ne plus laisser qu’une seule face Ă  l’opĂ©ration qui, par hypothĂšse, en comprenait deux. Ou l’idĂ©e de dĂ©sordre absolu ne reprĂ©sente qu’une combinaison de sons, flatus vocis, ou, si elle rĂ©pond Ă  quelque chose, elle traduit un mouvement de l’esprit qui saute du mĂ©canisme Ă  la finalitĂ©, de la finalitĂ© au mĂ©canisme, et qui, pour marquer l’endroit oĂč il est, aime mieux indiquer chaque fois le point oĂč il n’est pas. Donc, Ă  vouloir supprimer l’ordre, vous vous en donnez deux ou plusieurs. Ce qui revient Ă  dire que la conception d’un ordre venant se surajouter Ă  une absence d’ordre » implique une absurditĂ©, et que le problĂšme s’évanouit. Les deux illusions que je viens de signaler n’en font rĂ©ellement qu’une. Elles consistent Ă  croire qu’il y a moins dans l’idĂ©e du vide que dans celle du plein, moins dans le concept de dĂ©sordre que dans celui d’ordre. En rĂ©alitĂ©, il y a plus de contenu intellectuel dans les idĂ©es de dĂ©sordre et de nĂ©ant, quand elles reprĂ©sentent quelque chose, que dans celles d’ordre et d’existence, parce qu’elles impliquent plusieurs ordres, plusieurs existences et, en outre, un jeu de l’esprit qui jongle inconsciemment avec eux. Eh bien, je retrouve la mĂȘme illusion dans le cas qui nous occupe. Au fond des doctrines qui mĂ©connaissent la nouveautĂ© radicale de chaque moment de l’évolution il y a bien des malentendus, bien des erreurs. Mais il y a surtout l’idĂ©e que le possible est moins que le rĂ©el, et que, pour cette raison, la possibilitĂ© des choses prĂ©cĂšde leur existence. Elles seraient ainsi reprĂ©sentables par avance elles pourraient ĂȘtre pensĂ©es avant d’ĂȘtre rĂ©alisĂ©es. Mais c’est l’inverse qui est la vĂ©ritĂ©. Si nous laissons de cĂŽtĂ© les systĂšmes clos, soumis Ă  des lois purement mathĂ©matiques, isolables parce que la durĂ©e ne mord pas sur eux, si nous considĂ©rons l’ensemble de la rĂ©alitĂ© concrĂšte ou tout simplement le monde de la vie, et Ă  plus forte raison celui de la conscience, nous trouvons qu’il y a plus, et non pas moins, dans la possibilitĂ© de chacun des Ă©tats successifs que dans leur rĂ©alitĂ©. Car le possible n’est que le rĂ©el avec, en plus, un acte de l’esprit qui en rejette l’image dans le passĂ© une fois qu’il s’est produit. Mais c’est ce que nos habitudes intellectuelles nous empĂȘchent d’apercevoir. Au cours de la grande guerre, des journaux et des revues se dĂ©tournaient parfois des terribles inquiĂ©tudes du prĂ©sent pour penser Ă  ce qui se passerait plus tard, une fois la paix rĂ©tablie. L’avenir de la littĂ©rature, en particulier, les prĂ©occupait. On vint un jour me demander comment je me le reprĂ©sentais. Je dĂ©clarai, un peu confus, que je ne me le reprĂ©sentais pas. N’apercevez-vous pas tout au moins, me dit-on, certaines directions possibles ? Admettons qu’on ne puisse prĂ©voir le dĂ©tail ; vous avez du moins, vous philosophe, une idĂ©e de l’ensemble. Comment concevez-vous, par exemple, la grande Ɠuvre dramatique de demain ? » Je me rappellerai toujours la surprise de mon interlocuteur quand je lui rĂ©pondis Si je savais ce que sera la grande Ɠuvre dramatique de demain, je la ferais. » Je vis bien qu’il concevait l’Ɠuvre future comme enfermĂ©e, dĂšs alors, dans je ne sais quelle armoire aux possibles ; je devais, en considĂ©ration de mes relations dĂ©jĂ  anciennes avec la philosophie, avoir obtenu d’elle la clef de l’armoire. Mais, lui dis-je, l’Ɠuvre dont vous parlez n’est pas encore possible. » — Il faut pourtant bien qu’elle le soit, puisqu’elle se rĂ©alisera. » — Non, elle ne l’est pas. Je vous accorde, tout au plus, qu’elle l’aura Ă©tĂ©. » — Qu’entendez-vous par lĂ  ? » — C’est bien simple. Qu’un homme de talent ou de gĂ©nie surgisse, qu’il crĂ©e une Ɠuvre la voilĂ  rĂ©elle et par lĂ  mĂȘme elle devient rĂ©trospectivement ou rĂ©troactivement possible. Elle ne le serait pas, elle ne l’aurait pas Ă©tĂ©, si cet homme n’avait pas surgi. C’est pourquoi je vous dis qu’elle aura Ă©tĂ© possible aujourd’hui, mais qu’elle ne l’est pas encore. » — C’est un peu fort ! Vous n’allez pas soutenir que l’avenir influe sur le prĂ©sent, que le prĂ©sent introduit quelque chose dans le passĂ©, que l’action remonte le cours du temps et vient imprimer sa marque en arriĂšre ? » — Cela dĂ©pend. Qu’on puisse insĂ©rer du rĂ©el dans le passĂ© et travailler ainsi Ă  reculons dans le temps, je ne l’ai jamais prĂ©tendu. Mais qu’on y puisse loger du possible, ou plutĂŽt que le possible aille s’y loger lui-mĂȘme Ă  tout moment, cela n’est pas douteux. Au fur et Ă  mesure que la rĂ©alitĂ© se crĂ©e, imprĂ©visible et neuve, son image se rĂ©flĂ©chit derriĂšre elle dans le passĂ© indĂ©fini ; elle se trouve ainsi avoir Ă©tĂ©, de tout temps, possible ; mais c’est Ă  ce moment prĂ©cis qu’elle commence Ă  l’avoir toujours Ă©tĂ©, et voilĂ  pourquoi je disais que sa possibilitĂ©, qui ne prĂ©cĂšde pas sa rĂ©alitĂ©, l’aura prĂ©cĂ©dĂ©e une fois la rĂ©alitĂ© apparue. Le possible est donc le mirage du prĂ©sent dans le passĂ© ; et comme nous savons que l’avenir finira par ĂȘtre du prĂ©sent, comme l’effet de mirage continue sans relĂąche Ă  se produire, nous nous disons que dans notre prĂ©sent actuel, qui sera le passĂ© de demain, l’image de demain est dĂ©jĂ  contenue quoique nous n’arrivions pas Ă  la saisir. LĂ  est prĂ©cisĂ©ment l’illusion. C’est comme si l’on se figurait, en apercevant son image dans le miroir devant lequel on est venu se placer, qu’on aurait pu la toucher si l’on Ă©tait restĂ© derriĂšre. En jugeant d’ailleurs ainsi que le possible ne prĂ©suppose pas le rĂ©el, on admet que la rĂ©alisation ajoute quelque chose Ă  la simple possibilitĂ© le possible aurait Ă©tĂ© lĂ  de tout temps, fantĂŽme qui attend son heure ; il serait donc devenu rĂ©alitĂ© par l’addition de quelque chose, par je ne sais quelle transfusion de sang ou de vie. On ne voit pas que c’est tout le contraire, que le possible implique la rĂ©alitĂ© correspondante avec, en outre, quelque chose qui s’y joint, puisque le possible est l’effet combinĂ© de la rĂ©alitĂ© une fois apparue et d’un dispositif qui la rejette en arriĂšre. L’idĂ©e, immanente Ă  la plupart des philosophies et naturelle Ă  l’esprit humain, de possibles qui se rĂ©aliseraient par une acquisition d’existence, est donc illusion pure. Autant vaudrait prĂ©tendre que l’homme en chair et en os provient de la matĂ©rialisation de son image aperçue dans le miroir, sous prĂ©texte qu’il y a dans cet homme rĂ©el tout ce qu’on trouve dans cette image virtuelle avec, en plus, la soliditĂ© qui fait qu’on peut la toucher. Mais la vĂ©ritĂ© est qu’il faut plus ici pour obtenir le virtuel que le rĂ©el, plus pour l’image de l’homme que pour l’homme mĂȘme, car l’image de l’homme ne se dessinera pas si l’on ne commence par se donner l’homme, et il faudra de plus un miroir. » C’est ce qu’oubliait mon interlocuteur quand il me questionnait sur le théùtre de demain. Peut-ĂȘtre aussi jouait-il inconsciemment sur le sens du mot possible ». Hamlet Ă©tait sans doute possible avant d’ĂȘtre rĂ©alisĂ©, si l’on entend par lĂ  qu’il n’y avait pas d’obstacle insurmontable Ă  sa rĂ©alisation. Dans ce sens particulier, on appelle possible ce qui n’est pas impossible et il va de soi que cette non-impossibilitĂ© d’une chose est la condition de sa rĂ©alisation. Mais le possible ainsi entendu n’est Ă  aucun degrĂ© du virtuel, de l’idĂ©alement prĂ©existant. Fermez la barriĂšre, vous savez que personne ne traversera la voie il ne suit pas de lĂ  que vous puissiez prĂ©dire qui la traversera quand vous ouvrirez. Pourtant du sens tout nĂ©gatif du terme possible » vous passez subrepticement, inconsciemment, au sens positif. PossibilitĂ© signifiait tout Ă  l’heure absence d’empĂȘchement » ; vous en faites maintenant une prĂ©existence sous forme d’idĂ©e », ce qui est tout autre chose. Au premier sens du mot, c’était un truisme de dire que la possibilitĂ© d’une chose prĂ©cĂšde sa rĂ©alitĂ© vous entendiez simplement par lĂ  que les obstacles, ayant Ă©tĂ© surmontĂ©s, Ă©taient surmontables[3]. Mais, au second sens, c’est une absurditĂ©, car il est clair qu’un esprit chez lequel le Hamlet de Shakespeare se fĂ»t dessinĂ© sous forme de possible en eĂ»t par lĂ  créé la rĂ©alitĂ© c’eĂ»t donc Ă©tĂ©, par dĂ©finition, Shakespeare lui-mĂȘme. En vain vous vous imaginez d’abord que cet esprit aurait pu surgir avant Shakespeare c’est que vous ne pensez pas alors Ă  tous les dĂ©tails du drame. Au fur et Ă  mesure que vous les complĂ©tez, le prĂ©dĂ©cesseur de Shakespeare se trouve penser tout ce que Shakespeare pensera, sentir tout ce qu’il sentira, savoir tout ce qu’il saura, percevoir donc tout ce qu’il percevra, occuper par consĂ©quent le mĂȘme point de l’espace et du temps, avoir le mĂȘme corps et la mĂȘme Ăąme c’est Shakespeare lui-mĂȘme. Mais j’insiste trop sur ce qui va de soi. Toutes ces considĂ©rations s’imposent quand il s’agit d’une Ɠuvre d’art. Je crois qu’on finira pas trouver Ă©vident que l’artiste crĂ©e du possible en mĂȘme temps que du rĂ©el quand il exĂ©cute son Ɠuvre. D’oĂč vient donc qu’on hĂ©sitera probablement Ă  en dire autant de la nature ? Le monde n’est-il pas une Ɠuvre d’art, incomparablement plus riche que celle du plus grand artiste ? Et n’y a-t-il pas autant d’absurditĂ©, sinon davantage, Ă  supposer ici que l’avenir se dessine d’avance, que la possibilitĂ© prĂ©existait Ă  la rĂ©alitĂ© ? Je veux bien, encore une fois, que les Ă©tats futurs d’un systĂšme clos de points matĂ©riels soient calculables, et par consĂ©quent visibles dans son Ă©tat prĂ©sent. Mais, je le rĂ©pĂšte, ce systĂšme est extrait ou abstrait d’un tout qui comprend, outre la matiĂšre inerte et inorganisĂ©e, l’organisation. Prenez le monde concret et complet, avec la vie et la conscience qu’il encadre ; considĂ©rez la nature entiĂšre, gĂ©nĂ©ratrice d’espĂšces nouvelles aux formes aussi originales et aussi neuves que le dessin de n’importe quel artiste ; attachez-vous, dans ces espĂšces, aux individus, plantes ou animaux, dont chacun a son caractĂšre propre — j’allais dire sa personnalitĂ© car un brin d’herbe ne ressemble pas plus Ă  un autre brin d’herbe qu’un RaphaĂ«l Ă  un Rembrandt ; haussez-vous, par-dessus l’homme individuel, jusqu’aux sociĂ©tĂ©s qui dĂ©roulent des actions et des situations comparables Ă  celles de n’importe quel drame comment parler encore de possibles qui prĂ©cĂ©deraient leur propre rĂ©alisation ? Comment ne pas voir que si l’évĂ©nement s’explique toujours, aprĂšs coup, par tels ou tels des Ă©vĂ©nements antĂ©cĂ©dents, un Ă©vĂ©nement tout diffĂ©rent se serait aussi bien expliquĂ©, dans les mĂȘmes circonstances, par des antĂ©cĂ©dents autrement choisis — que dis-je ? par les mĂȘmes antĂ©cĂ©dents autrement dĂ©coupĂ©s, autrement distribuĂ©s, autrement aperçus enfin par l’attention rĂ©trospective ? D’avant en arriĂšre se poursuit un remodelage constant du passĂ© par le prĂ©sent, de la cause par l’effet. Nous ne le voyons pas, toujours pour la mĂȘme raison, toujours en proie Ă  la mĂȘme illusion, toujours parce que nous traitons comme du plus ce qui est du moins, comme du moins ce qui est du plus. Remettons le possible Ă  sa place l’évolution devient tout autre chose que la rĂ©alisation d’un programme les portes de l’avenir s’ouvrent toutes grandes ; un champ illimitĂ© s’offre Ă  la libertĂ©. Le tort des doctrines, — bien rares dans l’histoire de la philosophie, — qui ont su faire une place Ă  l’indĂ©termination et Ă  la libertĂ© dans le monde, est de n’avoir pas vu ce que leur affirmation impliquait. Quand elles parlaient d’indĂ©termination, de libertĂ©, elles entendaient par indĂ©termination une compĂ©tition entre des possibles, par libertĂ© un choix entre les possibles, — comme si la possibilitĂ© n’était pas créée par la libertĂ© mĂȘme ! Comme si toute autre hypothĂšse, en posant une prĂ©existence idĂ©ale du possible au rĂ©el, ne rĂ©duisait pas le nouveau Ă  n’ĂȘtre qu’un rĂ©arrangement d’élĂ©ments anciens ! comme si elle ne devait pas ĂȘtre amenĂ©e ainsi, tĂŽt ou tard, Ă  le tenir pour calculable et prĂ©visible ! En acceptant le postulat de la thĂ©orie adverse, on introduisait l’ennemi dans la place. Il faut en prendre son parti c’est le rĂ©el qui se fait possible, et non pas le possible qui devient rĂ©el. Mais la vĂ©ritĂ© est que la philosophie n’a jamais franchement admis cette crĂ©ation continue d’imprĂ©visible nouveautĂ©. Les anciens y rĂ©pugnaient dĂ©jĂ , parce que, plus ou moins platoniciens, ils se figuraient que l’Être Ă©tait donnĂ© une fois pour toutes, complet et parfait, dans l’immuable systĂšme des IdĂ©es le monde qui se dĂ©roule Ă  nos yeux ne pouvait donc rien y ajouter ; il n’était au contraire que diminution ou dĂ©gradation ; ses Ă©tats successifs mesureraient l’écart croissant ou dĂ©croissant entre ce qu’il est, ombre projetĂ©e dans le temps, et ce qu’il devrait ĂȘtre, IdĂ©e assise dans l’éternitĂ© ; ils dessineraient les variations d’un dĂ©ficit, la forme changeante d’un vide. C’est le Temps qui aurait tout gĂątĂ©. Les modernes se placent, il est vrai, Ă  un tout autre point de vue. Ils ne traitent plus le Temps comme un intrus, perturbateur de l’éternitĂ© ; mais volontiers ils le rĂ©duiraient Ă  une simple apparence. Le temporel n’est alors que la forme confuse du rationnel. Ce qui est perçu par nous comme une succession d’états est conçu par notre intelligence, une fois le brouillard tombĂ©, comme un systĂšme de relations. Le rĂ©el devient encore une fois l’éternel, avec cette seule diffĂ©rence que c’est l’éternitĂ© des Lois en lesquelles les phĂ©nomĂšnes se rĂ©solvent, au lieu d’ĂȘtre l’éternitĂ© des IdĂ©es qui leur servent de modĂšle. Mais, dans un cas comme dans l’autre, nous avons affaire Ă  des thĂ©ories. Tenons-nous-en aux faits. Le Temps est immĂ©diatement donnĂ©. Cela nous suffit, et, en attendant qu’on nous dĂ©montre son inexistence ou sa perversitĂ©, nous constaterons simplement qu’il y a jaillissement effectif de nouveautĂ© imprĂ©visible. La philosophie y gagnera de trouver quelque absolu dans le monde mouvant des phĂ©nomĂšnes. Mais nous y gagnerons aussi de nous sentir plus joyeux et plus forts. Plus joyeux, parce que la rĂ©alitĂ© qui s’invente sous nos yeux donnera Ă  chacun de nous, sans cesse, certaines des satisfactions que l’art procure de loin en loin aux privilĂ©giĂ©s de la fortune ; elle nous dĂ©couvrira, par delĂ  la fixitĂ© et la monotonie qu’y apercevaient d’abord nos sens hypnotisĂ©s par la constance de nos besoins, la nouveautĂ© sans cesse renaissante, la mouvante originalitĂ© des choses. Mais nous serons surtout plus forts, car Ă  la grande Ɠuvre de crĂ©ation qui est Ă  l’origine et qui se poursuit sous nos yeux nous nous sentirons participer, crĂ©ateurs de nous-mĂȘmes. Notre facultĂ© d’agir, en se ressaisissant, s’intensifiera. HumiliĂ©s jusque-lĂ  dans une attitude d’obĂ©issance, esclaves de je ne sais quelles nĂ©cessitĂ©s naturelles, nous nous redresserons, maĂźtres associĂ©s Ă  un plus grand MaĂźtre. Telle sera la conclusion de notre Ă©tude. Gardons-nous de voir un simple jeu dans une spĂ©culation sur les rapports du possible et du rĂ©el. Ce peut ĂȘtre une prĂ©paration Ă  bien vivre. ↑ Cet article Ă©tait le dĂ©veloppement de quelques vues prĂ©sentĂ©es Ă  l’ouverture du meeting philosophique » d’Oxford, le 24 septembre 1920. En l’écrivant pour la revue suĂ©doise Nordisk Tidskrift, nous voulions tĂ©moigner du regret que nous Ă©prouvions de ne pouvoir aller faire une confĂ©rence Ă  Stockholm, selon l’usage, Ă  l’occasion du prix Nobel. L’article n’a paru, jusqu’à prĂ©sent, qu’en langue suĂ©doise. ↑ Nous avons montrĂ© en effet, dans notre Essai sur les donnĂ©es immĂ©diates de la conscience, Paris, 1889, p. 82, que le Temps mesurable pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une quatriĂšme dimension de l’Espace ». Il s’agissait, bien entendu, de l’Espace pur, et non pas de l’amalgame Espace-Temps de la thĂ©orie de la RelativitĂ©, qui est tout autre chose. ↑ Encore faut-il se demander dans certains cas si les obstacles ne sont pas devenus surmontables grĂące Ă  l’action crĂ©atrice qui les a surmontĂ©s l’action, imprĂ©visible en elle-mĂȘme, aurait alors créé la surmontabilitĂ© ». Avant elle, les obstacles Ă©taient insurmontables, et, sans elle, ils le seraient restĂ©s. Marketplace Explication de texte Français Document Ă©lectronique LycĂ©e A obtenu la note de 15/20 2 pages Description J'ai rĂ©pondu Ă  des questions sur un texte de Henri Bergson. Cela peut ĂȘtre une aide pour une explication de texte. La notion Ă©tudiĂ© est l'art. Ce document ne correspond pas exactement Ă  ce que vous recherchez ? Commandez votre document redigĂ© sur mesure depuis notre service Commander un document Commander un document ou bien via la recherche par mots-clĂ©s Ces documents pourraient vous intĂ©resser Nous utilisons des cookies afin de proposer une meilleure expĂ©rience aux Ă©tudiants et aux tuteurs. En cliquant sur OK vous acceptez nos bons cookies. 😋 Ce post est issu d'un fil consacrĂ© Ă  un petit extrait du § 65 de la Critique de la facultĂ© de juger. Comme le fil d'origine dĂ©borde dĂ©jĂ  bien assez de son lit tout seul, je place ici la suite de ma petite trois textesTroisiĂšme texteAu terme d'un examen mĂȘme trĂšs rapide, un propos principal semble net, la difficultĂ© est plutĂŽt de le localiser, vu que l'Ă©criture de ce passage semble quasi rĂ©pĂ©titive. On peut le rĂ©sumer d'un trait en disant qu'il s'agit d'attribuer Ă©minemment Ă  l'homme un dĂ©sir de faire sociĂ©tĂ©. Quelqu'un qui connaĂźt bien Hume aura tendance Ă  dĂ©tacher particuliĂšrement le concept de sympathie », mais Ă  l'Ă©chelle de ce passage TNH, II, ii, 5 ce n'est pas contraignant, et le passage ne se prĂȘte pas bien Ă  tout un exposĂ© gĂ©nĂ©ral sur le rĂŽle certes central de ce concept chez me semble que la couleur est clairement annoncĂ©e dĂšs le dĂ©part Dans toutes les crĂ©atures qui ne font pas des autres leurs proies et que de violentes passions n'agitent pas, se manifeste un remarquable dĂ©sir de compagnie, qui les associe les unes les autres. Ce dĂ©sir est encore plus manifeste chez l'homme celui-ci est la crĂ©ature de l'univers qui a le dĂ©sir le plus ardent d'une sociĂ©tĂ©, et il y est adaptĂ© par les avantages les plus nombreux. Nous ne pouvons former aucun dĂ©sir qui ne se rĂ©fĂšre pas Ă  la sociĂ©tĂ©. On a le sentiment que ce qui suit immĂ©diatement constitue une variation sur le thĂšme ou plutĂŽt sur la thĂšse, qui l'illustre sur des exemples d'une assez grande gĂ©nĂ©ralitĂ© sans ce dĂ©sir la solitude ne serait pas une punition, et la pire de toutes ; sans ce dĂ©sir nous ne constaterions pas que tout plaisir languit de n'ĂȘtre pas partagĂ©. La derniĂšre phrase du petit passage que j'isole ainsi gĂ©nĂ©ralise de nouveau toutes les passions ont pour principe la sympathie », nous dit-on La parfaite solitude est peut-ĂȘtre la plus grande punition que nous puissions souffrir. Tout plaisir est languissant quand nous en jouissons hors de toute compagnie, et toute peine devient plus cruelle et plus intolĂ©rable. Quelles que soient les autres passions qui nous animent, orgueil, ambition, avarice, curiositĂ©, dĂ©sir de vengeance, ou luxure, le principe de toutes, c'est la sympathie elles n'auraient aucune force si nous devions faire entiĂšrement abstraction des pensĂ©es et des sentiments d'autrui. Ce qui reste du texte se dĂ©tache mĂ©thodologiquement, puisqu'on procĂšde Ă  une expĂ©rience de pensĂ©e on imagine un homme qui.... Pour autant il est difficile d'affirmer que des arguments entiĂšrement nouveaux alimentent ce passage ce qui sert d'argument, ici, c'est l'accord supposĂ©, et attendu, sur le rĂ©sultat de cet exercice de l'imagination personne ne dira heureux notre homme supposĂ© tout puissant et tout seul. Faites que tous les pouvoirs et tous les Ă©lĂ©ments de la nature s'unissent pour servir un seul homme et pour lui obĂ©ir ; faites que le soleil se lĂšve et se couche Ă  son commandement ; que la mer et les fleuves coulent Ă  son grĂ© ; que la terre lui fournisse spontanĂ©ment ce qui peut lui ĂȘtre utile et agrĂ©able il sera toujours misĂ©rable tant que vous ne lui aurez pas donnĂ© au moins une personne avec qui il puisse partager son bonheur, et de l'estime et de l'amitiĂ© de qui il puisse jouir. Bref, un texte dont la thĂšse est trĂšs facilement identifiable, mais dont la structure paraĂźt un peu lĂąche ─ Hume a de ces passages, qui alternent avec le contraire exact, une Ă©criture argumentative trĂšs serrĂ©e ─ et qui serait difficile Ă  commenter en raison mĂȘme du fait qu'il donne l'impression de se rĂ©pĂ©ter un Ă  cela, il faut surtout dĂ©velopper ce que Hume ne dĂ©veloppe pas p. ex. montrer comment l'avarice mais aussi l'ambition, la curiositĂ©, etc. rĂ©fĂšre Ă  autrui. C'est plus ou moins facile selon les cas par exemple il faut brancher le dĂ©sir de vengeance » sur la sympathie », et pour cela dĂ©finir celle-ci dans la mesure oĂč les indices contenus dans le texte le permettent. Commenter le rĂȘve de toute-puissance qui se fait jour dans l'hypothĂšse. Bref, il est bien clair que si le texte donne un peu l'impression d'ĂȘtre rĂ©pĂ©titif, il faudra tout faire pour que l'explication Ă©vite de l' texteJe souligne les deux propositions qui me semble-t-il doivent sauter aux yeux comme constituant la thĂšse du texte. Plus prĂ©cisĂ©ment, n'importe laquelle des deux convient ; selon l'auteur Spinoza, TraitĂ© politique, VI la seconde revient Ă  la premiĂšre en d'autres termes » nous fait passer de l'une Ă  l'autre ─ en la prĂ©cisant, imagine-t-on sinon, pourquoi deux formulations ?. Ici, restituer la thĂšse en concatĂ©nant deux Ă©noncĂ©s est possible, mais c'est parce que le texte l'autorise en prĂ©sentant ces Ă©noncĂ©s comme Ă  peu prĂšs Ă©quivalents. On pourrait donc dire que la thĂšse du texte est que L'État doit ĂȘtre organisĂ© [de façon Ă  ce que] tous, par force et par nĂ©cessitĂ© si ce n'est spontanĂ©ment, soient contraints de vivre selon la discipline de la raison ». Ce qui, bien entendu, n'Ă©claire pas tant que cette proposition mĂȘme notamment l'idĂ©e d'une discipline de la raison » n'est pas rendue claire. Si la constitution naturelle des hommes leur faisait dĂ©sirer avec le plus d'ardeur ce qui tend Ă  leur plus haut intĂ©rĂȘt, toute intervention expresse, en vue de faire rĂ©gner la concorde et la bonne foi, serait superflue. Mais telle n'est pas la pente habituelle de la nature humaine, on le sait. L'Etat doit donc ĂȘtre organisĂ© nĂ©cessairement de maniĂšre que tous, gouvernants et gouvernĂ©s - qu'ils agissent de bon ou de mauvais grĂ© - n'en mettent pas moins leur conduite au service du salut gĂ©nĂ©ral. En d'autres termes, il faut que tous, par force et par nĂ©cessitĂ© si ce n'est spontanĂ©ment, soient contraints de vivre selon la discipline de la raison. Pour que soit atteint ce rĂ©sultat, le fonctionnement de l'Etat sera rĂ©glĂ© de telle sorte, qu'aucune affaire important au salut gĂ©nĂ©ral ne soit jamais confiĂ©e Ă  un seul individu, prĂ©sumĂ© de bonne foi. Car l'homme le plus vigilant est cependant assujetti au sommeil, par intervalles, le plus fort et le plus inĂ©branlable est sujet Ă  faiblir ou Ă  se laisser vaincre, aux moments prĂ©cis oĂč il aurait besoin de la plus grande Ă©nergie. Ce qui prĂ©cĂšde et ce qui suit s'articule logiquement de maniĂšre me semble-t-il claire Ă  l'Ă©noncĂ© central. On a d'un cĂŽtĂ© une partie de ce qui rend nĂ©cessaire la contrainte Ă©tatique prĂ©sentĂ©e sous la forme d'un rĂ©sultat Ă  atteindre, c'est intĂ©ressant de le remarquer, et de l'autre, Ă  la fin donc, l'une des conditions Ă  remplir pour atteindre ce rĂ©sultat, avec sa forte, Ă©noncĂ© net, c'est du pain bĂ©nit, si j'ose dire, ça se commente tout seul. La diffĂ©rence entre une explication qui explique et une explication qui explique vraiment se ferait probablement sur la finesse avec laquelle seraient restituĂ©es les nuances conceptuelles concorde », bonne foi » [qui est une exĂ©crable traduction de fides mais bon c'est le texte que les Ă©lĂšves ont eu...] et les synonymies que le texte apparemment impose le service du salut gĂ©nĂ©ral » et la discipline de la raison » seraient la mĂȘme chose la retraduction n'est pas triviale.Premier texteLe plus court de ces textes, maintenant Un philosophe a dit que c'est une faiblesse que d'avoir de la honte et de la pudeur pour des actions infĂąmes. On dit souvent de semblables paradoxes par une fougue d'imagination, ou dans l'emportement de ses passions. Mais pourquoi condamnera-t-on ces sentiments, s'il n'y a un ordre, une rĂšgle, une raison universelle et nĂ©cessaire, qui se prĂ©sente toujours Ă  ceux qui savent rentrer dans eux-mĂȘmes ? Nous ne craignons point de juger les autres ou de nous juger nous-mĂȘmes en bien des rencontres; mais par quelle autoritĂ© le faisons-nous, si la Raison qui juge en nous, lorsqu'il nous semble que nous prononçons des jugements contre nous-mĂȘmes et contre les autres, n'est notre souveraine et celle de tous les hommes ? Certes le point d'aboutissement du raisonnement est bien que juger, c'est juger selon une raison universelle et nĂ©cessaire ». Il n'y a pas de place pour autre chose ; c'est la conclusion du raisonnement et le texte ne contient rien d'autre que ce raisonnement ; c'est donc la thĂšse du je pense qu'on s'accordera pour dire Ă  la fois que l'intĂ©rĂȘt du texte n'est pas du tout lĂ , mais uniquement dans l'argument qui nous demande de nous appuyer sur la condamnation ─ supposĂ©e acquise ─ du propos du philosophe » en question incidemment, il s'agit de DiogĂšne, pour remonter ensuite Ă  ce qui nous autorise » Ă  le condamner ainsi. Avec tout ce qu'il y a Ă  restituer d'implicite dans la prĂ©misse latente suivant laquelle le jugement ne peut s'autoriser de rien d'autre que d'une raison universelle ».J'ajoute, d'ailleurs, qu'on peut lĂ©gitimement hĂ©siter un moment avant d'identifier Ă  quoi renvoie l'expression ces sentiments ». Si ces sentiments » Ă©taient la honte et la pudeur » et non les paradoxes » du genre de ceux de DiogĂšne, le texte prendrait un tout autre sens, et il faudrait en reformuler le propos ; l'argument central se comprenant diffĂ©remment Ă©galement.Si donc je devais prĂ©senter le propos du texte, je ne me contenterais pas d'en Ă©noncer la conclusion, ce serait une description excessivement rachitique. Je dirais que ce texte invite Ă  remonter Ă  l'idĂ©e d'une raison universelle et nĂ©cessaire » comme Ă  l'un des prĂ©supposĂ©s de tout jugement ─ et du jugement moral en l'occurrence, puisque c'est sur cet exemple que la conclusion est conquise.Ce texte est extrait de l'Éclaircissement X Ă  la Recherche de la vĂ©ritĂ© de Malebranche.Un mot de commentaire ?Tout ce que j'entendais montrer en regardant rapidement ces quelques textes, c'est que mĂȘme dans le cas oĂč un texte Ă  commenter soutient une thĂšse aisĂ©ment identifiable, elle ne s'identifie pas nĂ©cessairement de la mĂȘme façon selon le texte. Il peut mĂȘme arriver qu'un texte, encore qu'extrĂȘmement bref, ne soit caractĂ©risĂ© que de façon trĂšs insatisfaisante par l'Ă©noncĂ© de la thĂšse la conclusion Ă  laquelle il fait partie des raisons pour lesquelles je prĂ©fĂšre parler d' opĂ©ration principale » d'un texte, soutenir/dĂ©montrer une thĂšse » n'Ă©tant qu'une opĂ©ration possible, parmi d' autre type de texteIl y a quelques annĂ©es j'ai proposĂ© ça Ă  des L2. Marc-AurĂšle, PensĂ©es, IX, 1. L'injustice est une impiĂ©tĂ©. La nature universelle, ayant constituĂ© les ĂȘtres raisonnables les uns pour les autres, a voulu qu'ils s'entr'aidassent selon leur mĂ©rite respectif, sans se nuire d'aucune maniĂšre. L'homme qui transgresse ce dessein de la nature comment Ă©videmment une impiĂ©tĂ© envers la plus vĂ©nĂ©rable des mensonge aussi est une impiĂ©tĂ© Ă  l'Ă©gard de la mĂȘme divinitĂ©. La nature universelle est la nature des choses, et les choses ont un rapport d'affinitĂ© avec ce qu'on dit de vrai Ă  leur sujet. En outre on appelle encore cette dĂ©esse la VĂ©ritĂ© et elle est la cause premiĂšre de tout ce qui est vrai. Donc l'homme qui ment volontairement attente Ă  la piĂ©tĂ©, puisque, en trompant, il commet une injustice ; et, de mĂȘme,celui qui ment involontairement, en tant qu'il dĂ©tone dans la nature universelle et qu'il la dĂ©pare en combattant la nature du monde. Il la combat, l'homme qui se porte Ă  l'encontre de la vĂ©ritĂ© en dĂ©pit de lui-mĂȘme il avait reçu de la nature des dispositions qu'il a nĂ©gligĂ©es et maintenant il n'est plus capable de distinguer le vrai du outre, l'homme qui recherche les plaisirs comme des biens et qui fuit les douleurs comme des maux est aussi coupable d'impiĂ©tĂ©. Il est inĂ©vitable, en effet, qu'un tel homme accuse frĂ©quemment la nature universelle de faire une rĂ©partition inique entre les mĂ©chants et les gens de bien ; car il arrive frĂ©quemment que les mĂ©chants vivent dans les plaisirs et amassent tout ce qui peut procurer du plaisir, tandis que les gens de bien tombent dans la douleur et les accidents qui la causent. En outre, celui qui craint la douleur craindra un jour ou l'autre quelque Ă©vĂ©nement, de ceux qui doivent arriver dans le monde c'est dĂ©jĂ  une impiĂ©tĂ©. Et celui qui poursuit les plaisirs ne pourra s'abstenir de l'injustice ; c'est une impiĂ©tĂ© manifeste. Il faut, pour les choses Ă  l'Ă©gard desquelles la nature universelle se comporte de maniĂšre Ă©gale elle ne produirait pas les unes et les autres, si elle ne se comportait Ă  leur Ă©gard de maniĂšre Ă©gale, il faut, dis-je, que ceux qui veulent prendre la nature pour guide et vivre d'accord avec elle imitent ses dispositions Ă©gales Ă  leur Ă©gard. Donc, vis-Ă -vis de la douleur et du plaisir, de la mort et de la vie, de la gloire et de l'obscuritĂ©, choses dont s'accommode Ă©galement la nature universelle, quiconque ne se comporte pas d'une maniĂšre Ă©gale commet une Ă©vidente impiĂ©tĂ©. Je pense que sur un texte de ce type, certes difficile, une recherche trop mĂ©canique de la thĂšse » et du problĂšme » risque d'aboutir Ă  un rĂ©sultat dĂ©cevant. Ou mĂȘme sur quelque chose de trĂšs classique comme ceci Bergson, La PensĂ©e et le mouvant, 1292/51, qui est parfois proposĂ© aux Ă©lĂšves de Terminale dans un dĂ©coupage diffĂ©rent [La philosophie] nous affranchit de certaines servitudes spĂ©culatives quand elle pose le problĂšme de l'esprit en termes d'esprit et non plus de matiĂšre, quand, d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, elle nous dispense d'employer les concepts Ă  un travail pour lequel la plupart ne sont pas faits. Ces concepts sont inclus dans les mots. Ils ont, le plus souvent, Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s par l'organisme social en vue d'un objet qui n'a rien de mĂ©taphysique. Pour les former, la sociĂ©tĂ© a dĂ©coupĂ© le rĂ©el selon ses besoins. Pourquoi la philosophie accepterait-elle une division qui a toutes chances de ne pas correspondre aux articulations du rĂ©el? Elle l'accepte pourtant d'ordinaire. Elle subit le problĂšme tel qu'il est posĂ© par le langage. Elle se condamne donc par avance Ă  recevoir une solution toute faite ou, en mettant les choses au mieux, Ă  simplement choisir entre les deux ou trois solutions, seules possibles, qui sont coĂ©ternelles Ă  cette position du problĂšme. Autant vaudrait dire que toute vĂ©ritĂ© est dĂ©jĂ  virtuellement connue, que le modĂšle en est dĂ©posĂ© dans les cartons administratifs de la citĂ©, et que la philosophie est un jeu de puzzle oĂč il s'agit de reconstituer, avec des piĂšces que la sociĂ©tĂ© nous fournit, le dessin qu'elle ne veut pas nous montrer. DerniĂšre Ă©dition par PauvreYorick le Ven 7 Nov 2014 - 947, Ă©ditĂ© 1 fois Raison modification du titre

corrigé explication de texte bergson la pensée et le mouvant